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Délais de paiement au Maroc : le casse-tête des professionnels
Gérer sa trésorerie n’est pas toujours une mince affaire ! Bien souvent cela ressemble à un jeu d’équilibriste. Et ce, d’autant plus quand on subit des délais de paiement à rallonge. Et, il faut bien le dire, cette problématique est récurrente au Maroc. Les retards de paiement constituent une contrainte majeure pour les entreprises. Ceux-ci les entraînent souvent dans un cercle vicieux dont il est souvent difficile de sortir…
En ce début d’année, le projet de loi n°69.21 relatif aux délais de paiement a fait naitre une lueur d’espoir chez les professionnels. Adopté à l’unanimité en janvier dernier par la chambre des représentants, le texte prévoit des dispositions sensées permettre aux fournisseurs de récupérer leurs liquidités plus rapidement.
On en parle dans cet article.
Délais de paiement au Maroc
La longueur des délais de paiement au Maroc n’est pas une problématique nouvelle. Le Royaume souffre en effet de ce mal depuis de nombreuses années. En 2019, le volume des créances inter-entreprises s’élevait à 430 milliards de dirhams. Un montant bien plus élevé que l’encours des prêts bancaires aux entreprises privées. Ceci est très révélateur de l’ampleur du phénomène.
Si l’on peut constater quelques améliorations, elles ne suffisent pas à permettre aux entreprises une gestion sereine de leur trésorerie. Les TPE et PME, souvent moins solides financièrement, sont les premières à en subir les conséquences. D’ailleurs, en 2022, les faillites d’entreprises ont augmenté de 17,4% par rapport à l’année précédente selon Inforisk. Ce sont 12.397 entreprises qui ont mis la clé sous la porte l’année dernière. La rupture des cycles de trésorerie liée à des délais de paiement trop longs est une des principales raisons.
Selon la dernière enquête de paiement Coface, le délai moyens de paiement contractuel au Maroc en 2021 est de 79 jours. Bien que toujours relativement long, c’est tout de même 14 jours de gagnés par rapport à la précédente enquête. Toutefois, pour 41% des entreprises sondées par l’organisme, les délais dépassent les 90 jours. 50% d’entre elles ont également constaté des délais maximaux de paiement supérieurs à 120 jours ! Difficile dans ces conditions d’honorer ses propres engagements vis-à-vis des fournisseurs …
Un arsenal juridique jusqu’ici inefficace
Pour tenter de réguler le problème, le Royaume a déployé un certain nombre de dispositifs.
La loi 32.10 publiée en 2011, complétant le code de commerce, a introduit l’obligation de respect des délais de paiement par les commerçants. Celle-ci limite le délai de paiement à 60 jours maximum « si les partenaires n’ont pas prévu un délai », précisant que ce dernier ne peut, dans tous les cas, dépasser 90 jours.
En 2016, la loi 49-15 visant à combler des vides laissé par le texte précédent, élargit notamment le périmètre aux établissements publics. La loi a également introduit la possibilité de conclure des conventions sectorielles prévoyant des délais spécifiques.
Elle prévoit également la création d’un observatoire des délais de paiement.
Bien que prévoyant des sanctions pour les contrevenants, ce dispositif n’a pas démontré son efficacité. En effet, selon les propos du département de l’Industrie et du Commerce rapportés à la presse, « 72% des sociétés marocaines sont en dehors de la loi sur les délais de paiement ».
Projet de loi n°69.21, de nouvelles dispositions
C’est dans ce contexte qu’a été élaboré un nouveau texte de loi en concertation avec les décideurs économiques tels que la CGEM. Mais que prévoit ce texte sensé remettre de l’ordre dans les délais de paiement au Maroc ?
Champ d’application
Tout d’abord, il convient de noter que le texte ne concerne pas les personnes physiques et morales réalisant un CA inférieur ou égal à deux millions de dirhams HT.
Délais de paiement
Le délai de paiement maximum est étendu à 120 jours (au lieu de 90 jours en vigueur). Si les parties prenantes n’ont pas fixés de délai, celui-ci est maintenu à 60 jours.
Calcul du délai de paiement
La législation en vigueur se base sur la date de l’exécution de la prestation de service ou de livraison de la marchandise. Dans les faits, les entreprises ont plutôt pour habitude d’utiliser la date de réception de la facture. Avec la loi 69.21, c’est désormais la date d’émission de la facture qui sera prise en compte pour le calcul du délai de paiement. Ceci apportera plus de clarté dans les modalités de calcul des délais de paiement.
Côté fournisseur, celui-ci devra éditer la facture au plus tard le dernier jour du mois où les services ont été exécutés.
Déclaration des impayés
C’est là, la grande nouveauté du texte. Il prévoit l’obligation pour les entreprises de déclarer par voie électronique les factures fournisseurs pour lesquelles le délai de règlement a été dépassé. Et ce, qu’elles soient payées, non payées ou partiellement payées.
A titre transitoire, la déclaration concernera uniquement les entreprises dont le CA HT est supérieur à 10 millions de dirhams la première année.
Sanctions prévues
Le défaut ou le retard de déclaration sera sanctionné par des amendes allant de 5.000 à 250.000 dirhams en fonction du chiffre d’affaires hors taxe de l’entreprise.
En cas de retard de paiement, en plus des indemnités que le fournisseur est en droit de demander, une pénalité sera à verser au Trésor. Celle-ci est fixée à l’équivalent du taux directeur de Bank Al Maghrib sur le montant dû pour le premier mois. C’est ensuite un taux fixe de 0,85% qui s’applique.
Progressivité de déploiement
Cette loi s’appliquera aux entreprises ayant un CA supérieur à 50 MDHS la première année suivant sa publication. Puis les dispositions seront étendues aux PME dont le CA est compris entre 10 et 50 MDHS. L’application sera enfin élargie aux TPE.
Initialement prévu pour entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023, le processus législatif n’a pas pu être finalisé dans les temps et est toujours en cours. Adopté à l’unanimité par la Chambre des représentants le 16 janvier dernier, le texte est actuellement en 2e lecture.
Mise à jour 22/06/2023
La loi n°69-21 a été publiée au BO en langue arabe daté du 15 juin 2023. Elle prend donc effet à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises ayant un CA supérieur à 50 MDHS. Les sociétés avec un CA de 10 à 50MDHS seront concernées à partir du 1er janvier 2024. Enfin, celles ayant un CA de 2 à 10 MDHS y seront soumises à partir du 1er janvier 2025.
Quelles perspectives ?
Une fois en vigueur, le texte changera-t-il vraiment la donne ? Seul l’avenir nous le dira. Les spécialistes du secteur semblent optimistes. Ils soulignent toutefois que le dispositif juridique seul ne peut tout régler. Il subsiste en effet des aspects opérationnels au niveau des entreprises à prendre en considération. Parmi eux, la gestion du recouvrement ou l’analyse en amont de la solvabilité des futurs acheteurs.
Côté clients, la mise en place d’outils de gestion des dépenses fournisseurs pour une meilleure maîtrise des flux sortant constitue également un levier important en matière de respect des délais de paiement.